Dame Nyviel, lorsqu’elle revenait en ses terres, préférait toujours prendre la route qui longeait la vallée. L’Empereur avait accédé à sa demande et lui avait remis une terre isolée entourée de bois sur la ligne des crêtes à l’ouest de Nyléria.
Au fond de la vallée, courait une rivière qui avait déjà grossi en cette fin de saison. Le dégel était amorcé et Nuage Blanc le dix cors au pelage immaculé, faisait de son mieux pour éviter les ornières que le froid avait creusées. Il humait de ses naseaux frémissants les premiers effluves printaniers, la forêt était proche et Nyviel juchée sur son dos ressentait la nervosité croissante de sa monture. « Nuage Blanc, lui murmura-t-elle, sois patient, les nuées nous auraient été certes plus rapides, mais laisse-moi goûter au plaisir de la nature. »
La côte fut gravie en une matinée et ils parvinrent à la sortie de la forêt sur la crête qui s’élargissait en direction du nord. Le territoire d’Isàdë, protégé par les bois qu’ils venaient de traverser formait un large plateau qui donnait à voir sur toute sa longueur l’horizon occidental de l’Empire. A chaque fois, Nyviel portait son regard au loin et rejoignait en pensée son peuple d’au-delà des Brumes.
Au petit trot, ils prirent à travers champ la direction du nord et passèrent les villages désertés par les habitants et qui constituaient le fief d’Isàdë. Il était trop tôt dans la saison pour cultiver la terre et les villageois s’occupaient au nettoyage des forêts, le royaume tirant essentiellement ses ressources de la vente du bois si nécessaire aux chantiers navals de Nyléria.
Nyviel vit avec satisfaction que les puits étaient entretenus avec soin, ce qui s’avérait stratégique, sur ce haut plateau ne coulaient en effet que quelques petits ruisseaux saisonniers. Isàdë dépendait, pour la culture et la vie de ses gens, des eaux souterraines et des pluies heureusement la plupart du temps suffisantes.
A l’extrémité nord du plateau, on apercevait le château d’Isàdë, bâtisse fortifiée, construite de pierres et de bois. A cet endroit s’élevait autrefois une ancienne demeure dont les soubassements furent utilisés pour élever la nouvelle construction. L’aspect était austère mais garantissait le confort à la mauvaise saison. Passé la porte gardée par des centaures, les écuyers prenaient en charge les montures et les dirigeaient à droite dans les communs. Les bâtiments d’habitations s’élevaient de l’autre côté et jouissaient d’un ensoleillement prolongé l’après-midi. Entre deux, un jardin avait été aménagé qui faisait la joie des dames de la maison lorsqu’elles passaient les journées d’été en compagnie de leurs pages. Ce jardin était clos à son extrémité nord par un éperon rocheux au-delà duquel ne se trouvait plus que le vide. Isadë en sa partie arrière était imprenable, édifié sur le bord d’une falaise.
Nyviel lorsqu’elle fut parvenue au pied du château, se rendit tout d’abord dans les bâtiments qui abritaient les troupes. Aussitôt, elle vit son maître des armées accompagné de l’intendant du domaine se précipiter à sa rencontre et fut rassurée de les voir si réjouis. Ils la saluèrent en s’inclinant et le maître des armées prit la parole : « Dame Nyviel, nous avons fait de la belle ouvrage, les aménagements pour vos dragons sont terminés et les licornes sont en patûre dans les bois. Les centaures et le reste de vos troupes sont cantonnés, l’hiver a été calme. » Nyviel se tourna ensuite vers son intendant : « Maître, qu’en est-il du bois sacré, avez-vous fait dresser la pierre de mémoire comme je vous l’avais demandé ?
- Dame, répondit-il, votre mage a prononcé les incantations d’activation à la dernière pleine lune elle est en fonction. Vous êtes attendue au château, permettez-moi de vous y conduire » et saisissant la bride de Nuage Blanc, l’intendant et le maître des armées firent escorte à la dame d’Isàdë. Celle-ci leva les yeux vers les croisées de l’étage, elle vit alors les dames de sa suite et Titlys son page lui faire des gestes de bienvenue…
