Tristane courut de la porte de son royaume jusqu’à son château à en perdre haleine. Elle ne s’arrêta pas pour saluer son général comme à son habitude et elle grimpa les escaliers la menant à ses appartements privés d’une seule traite. A bout de souffle, elle tomba épuisée sur son lit à baldaquin orné de rideaux de velours rouges brodés de perles scintillantes et de cristaux.
Son cœur battait la chamade mais quel bonheur cela était enfin !
Sa vie prenait un nouveau tournant mais elle avait peur de l’aborder, peur que ses pulsions les plus enfouies ne prennent le dessus et qu’elle ne contrôle plus rien. Mais il était trop tard…
Le Royaume d’Andoria dont elle était la régente allait voir sa vie bouleversée en même temps que la sienne. Tout allait changer désormais et rapidement.
Elle ne pouvait plus faire marche arrière, elle l’avait annoncée publiquement… Finit le pacifisme !
Elle ne savait pas ce qui l’avait conduit à faire ce choix quasiment instantané sans réflexion mais elle savait qu’elle n’aurait pas à le regretter. L’amour qu’elle avait pour son Roi était sa première raison et le cœur avait parlé avant la raison qu’elle avait enfouie bien au fond de son cerveau. Mais n’y avait il que cela en jeu ? Rompre un si long pacte de pacifisme, un serment, une valeur morale de refuser de combattre et de faire couler le sang comme cela sur un coup de tête… Non qu’elle ne sache se battre et était lâche mais elle avait vu couler tellement de sang déjà dans son enfance qu’elle n’avait jamais voulu reproduire ce qu’on lui avait imposé.
Cependant, elle sentait cette fibre guerrière remonter en elle et cette fois elle n’avait plus envie de la réprimer et de la refouler au fin fond de son être parce que ça faisait parti d’elle, de son histoire, de sa vie.
Il n’avait été là que pour encourager cela et la révéler à elle-même. Lui cet homme si charismatique et si difficile à cerner mais qui l’aimait tellement. Alors elle n’avait pas hésité en entrant dans sa guilde à le seconder et les soutenir tous. Tous ces frères et sœurs de guilde qui l’accueillaient à bras ouverts sans aucun préjugé, aucun jugement. Elle qui allait devenir la future Reine de cette Cité des Nuages.
Il fallait au plus vite prendre des dispositions parce que jusqu’à maintenant la seule chose que contenait son royaume étaient des bâtiments mais aucune troupe de quelque sorte que ce soit ne les occupaient.
Elle prit le temps de reprendre ses esprits et appela Grivion, son général en chef en manque sérieux d’entraînement et d’activité militaire depuis fort longtemps. Elle ne savait vraiment pas comment il allait prendre la nouvelle. Soit il allait l’aider de son mieux soit il allait partir à la retraite loin de là sur le lopin de terre qu’elle lui avait offert en échange de ses bons et loyaux services. Mais il était encore vif pour son age mûr et elle espérait qu’il ferait avec elle ce qu’il avait fait avec son père et que ses conseils avisés l’aideraient à remporter des victoires.
Elle le vit arriver, traînant les pieds lascivement, mais droit comme un I dans sa tenue d’apparat qu’il avait enfilé pour l’occasion.
- Grivion, de gros changements vont survenir dans les jours à venir et je ne vous cache pas que je compte beaucoup sur vous pour l’avenir de ce royaume et de nous tous.
Il l’observa, la connaissant depuis son enfance et savait que la décision qu’elle allait lui annoncer ne serait pas à prendre à la légère et était mûrement réfléchie. Même si le cœur le lui avait plus dicté que la raison…
- Je suis à vos ordres ma Dame et vous le savez. Ordonnez et j’agirai.
- Il se trouve Grivion que je viens de décider de rompre le pacte de pacifisme que je m’étais tenu à respecter jusque là et que notre entrée dans la Guilde des Chevaliers Ailés, en guerre contre les Ombre et les Guerriers libres n’y est pas étranger. Il va falloir au plus vite remplir ces bâtiments et former un maximum d’hommes au combat parce que nous allons aider notre Roi et ses sujets dans ce conflit !
- Ma Dame, si je peux me permettre, j’attendais ce moment depuis si longtemps que je ne peux que vous féliciter de votre décision. Il était un tel gâchis de voir une guerrière si aguerrie que vous rester sans activité alors que tant de bonnes causes sont à défendre … Je vais de ce pas réunir les hommes nécessaires et les mettre à l’entraînement programme intensif et vous aurez l’élite des élites formée dans les meilleurs délais. Enfin le travail reprend !
Il lui fit un salut militaire, claqua les talons et parti d’un pas cette fois alerte et presque dansant. Ce qui fit sourire Tristane avec tendresse.
Grivion à ses côtés pour la conseiller, un fiancé prévenant et prêt à l’aider aussi, voilà de quoi la rassurer pour son retour dans le monde guerrier !
Enfin la première attaque de lancée. Elle avait tenu à y participer bien sûr et c’est aux côtés de Grivion, pardon du Général Grivion, que Tristane se tenait là sur sa monture, vêtue d’une tenue de maille, l’épée de son père à la main. Ah la première cible à atteindre ! et il fallait gagner à tout prix, pour elle, pour la confiance que ses troupes avaient en elle, pour son père, pour les Ailés et pour Lui !
La formation avait fait son effet sur les unités de combat parce que chacun se mit immédiatement à sa place sur le champ de bataille. Les troupes de l’adversaire semblaient désordonnées et surpris de cette attaque. Voilà ce qui allait sûrement jouer en leur faveur. Un atout de plus non négligeable.
Tristane leva son épée et la tendit droit devant elle tout en lançant sa monture au galop. Elle entendait derrière elle le bruit des incantations de ses archi mages et les sabots des unités qui la suivaient. Les flèches commençaient à pleuvoir au dessus de sa tête et elle se colla comme pour épouser la forme de sa monture ce qui lui permit non seulement de gagner en rapidité mais aussi d’esquiver de nombreuses flèches ennemies.
Elle vit arriver sur elle une horde d’ennemis en tout genre qu’elle allait devoir tuer. Plus le temps d’hésiter. Il fallait agir et reprendre les bons vieux réflexes.
Sa monture toujours allant à vive allure, elle fit le vide sur son passage à sa droite comme à sa gauche. Elle se traçait un chemin pour arriver au cœur du combat. Une partie des troupes resta en arrière pour finir les unités encore vivantes et elle arriva devant le général des forces adverses. Il arriva à la désarçonner et c’est au sol que le combat s’engagea. Prenant son épée à deux mains elle frappa encore et encore pour lutter et parer les coups ennemis emplis de rage. Mais sa rage à elle était encore plus profonde car enfouie depuis des années et ressortait à présent ce qui démultipliait ses forces.
Le général tomba sous un coup fatal, sa botte secrète avait fait mouche une fois de plus. Un son de cor retenti et elle vit les unités ennemies tenter un repli mais ce fut sans compter l’extrême lucidité de Grivion qui avait fait placer une ligne de troupes devant les portes du royaume ennemi. Aucun repli possible. Ce qui paniqua le reste des troupes encore en vie et le combat ultime fut facile tellement la confusion régnait dans les rangs adverses.
Et bien sur, pas un seigneur en vue. Ah elle était belle cette guerre ou les pleutres seigneurs envoyaient leurs troupes au combat mais restaient bien à l’abri dans leur domaine ou ailleurs qui sait ! En tous les cas jamais les siens ne combattraient sans leur régente à leurs côtés. Elle s’en faisait un point d’honneur.
On ramassa les blessés, enterra dignement les défunts qui étaient morts en héros et on se rentra en Andoria.
Alors qu’elle était dans ses appartements, ôtant cette tenue de maille ensanglantée, Tristane ressenti un immense soulagement et se senti enfin et à nouveau vivante. Vivante.
Elle leva les bras au ciel et tournoya sur elle-même :
- Je suis vivanteeeeeeeeeeee !!!!! Cria-t-elle
